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Lucien eut froid dans le dos en se voyant chargé d'une femme, d'une actrice et d'un ménage.
- Reste ici, garde tout, Coralie, dit le marchand d'une voix faible et douloureuse qui partait de l'âme, je
ne veux rien reprendre. Il y a pourtant là soixante mille francs de mobilier, mais je ne saurais me faire à l'idée
de ma Coralie dans la misère. Et tu seras cependant avant peu dans la misère. Quelque grands que soient les
talents de monsieur, ils ne peuvent pas te donner une existence. Voilà ce qui nous attend tous, nous autres
vieillards ! Laisse-moi, Coralie, le droit de venir te voir quelquefois : je puis t'être utile. D'ailleurs, je
Etudes de moeurs. 2e livre. Scènes de la vie de province. T. 4. Illusions perdues. 2. Un grand homme de pro
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Illusions perdues. 2. Un grand homme de province à Paris
l'avoue, il me serait impossible de vivre sans toi.
La douceur de ce pauvre homme, dépossédé de tout son bonheur au moment où il se croyait le plus
heureux, toucha vivement Lucien, mais non Coralie.
- Viens, mon pauvre Musot, viens tant que tu voudras, dit-elle. Je t'aimerai mieux en ne te trompant
point.
Camusot parut content de n'être pas chassé de son paradis terrestre où sans doute il devait souffrir, mais
où il espéra rentrer plus tard dans tous ses droits en se fiant sur les hasards de la vie parisienne et sur les
séductions qui allaient entourer Lucien. Le vieux marchand matois pensa que tôt ou tard ce beau jeune
homme se permettrait des infidélités, et pour l'espionner, pour le perdre dans l'esprit de Coralie, il voulait
rester leur ami. Cette lâcheté de la passion vraie effraya Lucien. Camusot offrit à dîner au Palais-Royal, chez
Véry, ce qui fut accepté.
- Quel bonheur, cria Coralie quand Camusot fut parti, plus de mansarde au quartier Latin, tu demeureras
ici, nous ne nous quitterons pas, tu prendras pour conserver les apparences un petit appartement, rue Charlot,
et vogue la galère !
Elle se mit à danser son pas espagnol avec un entrain qui peignit une indomptable passion.
- Je puis gagner cinq cents francs par mois en travaillant beaucoup, dit Lucien.
- J'en ai tout autant au théâtre, sans compter les feux. Camusot m'habillera toujours, il m'aime ! Avec
quinze cents francs par mois, nous vivrons comme des Crésus.
- Et les chevaux, et le cocher, et le domestique ? dit Bérénice.
- Je ferai des dettes, s'écria Coralie.
Elle se remit à danser une gigue avec Lucien.
- Il faut dès lors accepter les propositions de Finot, s'écria Lucien.
- Allons, dit Coralie, je m'habille et te mène à ton journal, je t'attendrai en voiture, sur le boulevard.
Lucien s'assit sur un sofa, regarda l'actrice faisant sa toilette, et se livra aux plus graves réflexions. Il eût
mieux aimé laisser Coralie libre que d'être jeté dans les obligations d'un pareil mariage ; mais il la vit si
belle, si bien faite, si attrayante, qu'il fut saisi par les pittoresques aspects de cette vie de Bohême, et jeta le
gant à la face de la Fortune. Bérénice eut ordre de veiller au déménagement et à l'installation de Lucien. Puis,
la triomphante, la belle, l'heureuse Coralie entraîna son amant aimé, son poète, et traversa tout Paris pour
aller rue Saint-Fiacre. Lucien grimpa lestement l'escalier, et se produisit en maître dans les bureaux du
journal. Coloquinte ayant toujours son papier timbré sur la tête et le vieux Giroudeau lui dirent encore assez
hypocritement que personne n'était venu.
- Mais les rédacteurs doivent se voir quelque part pour convenir du journal, dit-il.
- Probablement, mais la rédaction ne me regarde pas, dit le capitaine de la Garde Impériale qui se remit
à vérifier ses bandes en faisant son éternel broum ! broum !
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En ce moment, par un hasard, doit-on dire heureux ou malheureux ? Finot vint pour annoncer à
Giroudeau sa fausse abdication, et lui recommander de veiller à ses intérêts.
- Pas de diplomatie avec monsieur, il est du journal, dit Finot à son oncle en prenant la main de Lucien
et la lui serrant.
- Ah ! monsieur est du journal, s'écria Giroudeau surpris du geste de son neveu. Eh ! bien, monsieur,
vous n'avez pas eu de peine à y entrer.
- Je veux y faire votre lit pour que vous ne soyez pas jobardé par Etienne, dit Finot en regardant Lucien
d'un air fin. Monsieur aura trois francs par colonne pour toute sa rédaction, y compris les comptes-rendus de
théâtre.
- Tu n'as jamais fait ces conditions à personne, dit Giroudeau en regardant Lucien avec étonnement.
[Dans le Furne : "
- Il aura les quatre théâtres du boulevard, tu auras soin que ses loges ne lui soient pas
chippées ", coquille.]
chipées, et que ses billets de spectacle lui soient remis. Je vous conseille néanmoins de vous
les faire adresser chez vous, dit-il en se tournant vers Lucien. Monsieur s'engage à faire, en outre de sa
critique, dix articles Variétés d'environ deux colonnes pour cinquante francs par mois pendant un an. Cela
vous va-t-il ?
- Oui, dit Lucien qui avait la main forcée par les circonstances.
- Mon oncle, dit Finot au caissier, tu rédigeras le traité que nous signerons en descendant.
- Qui est monsieur ? demanda Giroudeau en se levant et ôtant son bonnet de soie noire.
- Monsieur Lucien de Rubempré, l'auteur de l'article sur l'Alcade, dit Finot.
- Jeune homme, s'écria le vieux militaire en frappant sur le front de Lucien, vous avez là des mines d'or.
Je ne suis pas littéraire, mais votre article, je l'ai lu, il m'a fait plaisir. Parlez-moi de cela ! Voilà de la gaieté.
Aussi ai-je dit : - Ca nous amènera des abonnés ! Et il en est venu. Nous avons vendu cinquante numéros. [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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